Quelle erreur, de quoi parle-t-on ? De celle que l’on ne veut pas voir à celle qui nous suit jusqu’à la fin de nos études et au-delà, jusqu’au repas de Noël, bien des années plus tard, l’erreur est une évidence. Et une heureuse évidence ! Celle qui a toute sa place et un rôle déterminant à jouer dans les apprentissages. Encore souvent mal perçue et sanctionnée par les adultes en charge des savoirs, elle est à la tête d’un réel bouleversement intellectuel. Alors allons-y, on se trompe et on recommence: comment changer notre approche et nos pratiques ?
Inévitable dans le processus d’apprentissage, l’erreur revêt des costumes divers. Certains chercheurs en didactique la définissent comme une chance : «L’erreur n’est pas une impasse, elle est un tremplin» Armen Tarpinian, «L’erreur est une information, non une faute» Daniel Favre, «Un outil pour enseigner» Jean-Pierre Astolfi. Unanimes, ils incitent les enseignants, les parents et les enfants à mieux vivre l’erreur et à la décontaminer de la faute. Une exploration s’impose.
Du côté des grandes personnes
Il est difficile d’accepter les erreurs de nos enfants, surtout lorsqu’elles se répètent. Les erreurs «bêtes» surtout ! Oh, je vous vois rire : vous pouvez, car commettre des erreurs est bien plus drôle qu’il n’y paraît. Le fait d’en rire créé souvent un souvenir référent positif, oui ! C’est une première approche qui permet aussi de dédramatiser, de ne pas ravaler l’erreur au rang de faute et ainsi d’y voir l’indicateur d’un savoir ou savoir-faire non compris ou non maîtrisé. Vous pourrez, après en avoir ri, confirmer que ce n’est pas si grave : «Elle est géniale ton erreur ! Que veut-elle nous dire ? D’où vient-elle ?» Je vous vois agacé, car changer de point de vue n’est pas si facile, surtout après une journée harassante. Alors, imaginez-vous un instant, à la place de votre enfant et entendez : «Mais ce n’est pas possible ! Que c’est bête ! Tu pourrais quand même faire attention !». Vous sentez-vous coupable, incapable et stupide ? C’est le message idéal qui donne envie de s’enfoncer sous terre. Vous comprenez qu’il est difficile d’apprendre si l’adulte transmet sa propre allergie à l’erreur aux enfants et inhibe la liberté de chercher. Parents et enseignants, nous les grandes personnes, avons tout à apprendre d’une attitude bienveillante à l’égard de l’erreur. Merci pour ce qu’elle nous apprend de l’enfant, de l’élève, de sa relation au contenu qu’il est en train de s’approprier, mais aussi des situations d’apprentissages que nous concevons. Faire progresser les élèves, nos enfants, relève de notre responsabilité.
Du côté de l’élève
L’idée de faire quelque chose de «mal» n’est pas loin lorsque derrière l’erreur se cache la honte. Il est ainsi fréquent de voir des élèves fuir des situations de réel apprentissage pour éviter l’erreur. Ils reproduisent le «sans erreur» mais n’apprennent pas, et surtout pas à chercher, à émettre des hypothèses, à se tromper, à recommencer, pour enfin trouver. La peur de se tromper existe bien, sournoise et muette, rongeant la confiance en soi. Perte de motivation, de désir d’apprendre et de conscience scolaire s’enchaînent ensuite très vite. Les enfants ne vivent plus l’école mais la subissent, pour ceux qui ne décrochent pas. Au contraire, lorsqu’ils vivent l’erreur comme une information sur ce qu’ils croyaient avoir compris ou savoir, l’expérience les rend heureux et gourmands de nouveaux apprentissages. Fiers de savoir chercher, capables de confronter erreurs et contresens lors d’échanges en classe ou à la maison, ces enfants vont générer de la confiance dans leurs capacités de compréhension, d’analyse et surtout construire une saine relation au savoir. La perfection du savoir n’existe pas, l’image figée du savoir existe.
Du côté de l’erreur
Qualifiée de bête, stupide, navrante, contenue dans des appré-ciations du type «Trop d’erreurs», «Erreurs d’étourderies», elle ne donne aucun indicateur sur ce que l’élève n’a pas réussi et comment la corriger. L’erreur est harassée de ne servir à rien alors qu’elle s’essouffle à donner l’alerte. Traitée de «faute», accusée de mille maux, elle ne peut pas tenir le rôle que la pensée lui a assigné : celui de «source d’apprentissage». C’est à pleurer ! Les parents la détestent, les enfants en ont peur, les enseignants insistent en la dénonçant en rouge… Lui donner un statut positif est plus qu’urgent pour développer une pédagogie stimulante et sécurisante. Refusée, sanctionnée, elle ne peut que détériorer la relation qu’entretient l’élève au savoir. Aucun laxisme éducatif, mais au contraire une plus grande exigence intellectuelle. Elle a tout à nous apprendre des mécanismes par lesquels on s’approprie un savoir. L’erreur n’est qu’un acte inadapté à une situation. Rien de dramatique, au contraire, car apprendre de ses erreurs est un fantastique levier d’autonomie. Il était une fois l’Erreur qui rêvait d’un vrai statut. Elle souhaitait aider à comprendre et à apprendre mais les hommes n’en voulaient pas… Alors pour Noël, glissez sous le sapin «Le droit à l’erreur». Au milieu des paquets scintillants et des illuminations, il n’en aura que davantage de valeur. Je vous livre mon cadeau de Noël un peu en avance, avec cette citation du romancier et poète irlandais James Joyce, «Les erreurs sont les portes de la découverte». Joyeux Noël et belle découverte !
Valérie THEVENIAUT