L’autonomie est aujourd’hui au centre de tous les discours: parents, enseignants, ministère de l’Éducation nationale. On en parle et on en parle, beaucoup ! Or l’autonomie, qui peut se définir comme la capacité à se conduire soi-même, n’est pas innée, ne s’enseigne pas, ne se transmet pas, elle se construit.
Pour les adultes qui encadrent l’enfant et l’élève, il ne s’agit pas de fabriquer des «enfants-élèves autonomes» à tout prix, mais bien de prendre en compte plusieurs dimensions qui permettront aux enfants de construire, voire de conquérir, une autonomie véritable dans le respect de leur écologie. Trois dimensions liées semblent indispensables à cette conquête : le rapport entre apprentissage et niveau de développement, la définition d’un champ de compétences et la conscience des valeurs que l’on cherche à encourager.
Tout apprentissage doit intégrer le niveau de développement de l’enfant
Quel enseignant n’a pas constaté, au moins une fois dans sa carrière, qu’il avait mis en place une situation d’apprentissage si ambitieuse que
sa classe en était toute bouleversée ? Résultat: des élèves agités, chahuteurs, puis découragés devant l’ampleur de la tâche, un retour au calme qui passe par un durcissement de la discipline.
Un cuisant échec !
L’évaluation du niveau de développement des élèves appartient aux enseignants ainsi que le juste dosage des activités à mettre en place, «pas trop facile-pas trop difficile» pourrait-on résumer. Des activités accessibles, mais comportant un réel obstacle à franchir. Un vrai défi d’équilibriste, certes, mais possible ! De même, il appartient aux parents de former leurs enfants à l’autonomie en leur proposant des actions que l’enfant, à ce stade de son développement moteur et affectif, pourra effectuer sans angoisses excessives. Si l’enfant, comme à l’école, connaît ses propres ressources, des situations telles que la participation à des travaux de bricolage ou à des préparations culinaires, la réflexion sur l’usage des écrans à la maison, l’organisation d’un voyage, deviendront de vraies plateformes d’autonomie. Mais leur donner la charge de la fratrie, les équiper d’un téléphone portable ou bien les laisser rentrer seuls suppose une véritable évaluation parentale de leur capacité à supporter ou à gérer des situations non encadrées par l’adulte et peut avoir de lourdes conséquences en raison d’une exposition prématurée à de réels dangers.
A chaque âge son autonomie.
À chacun ses compétences
Parents et enseignants ont un rôle à jouer dans cette conquête ainsi que tout intervenant adulte dans la vie de l’enfant, mais chacun dans son domaine. Chaque parent sait bien que s’il a le malheur de jouer à l’enseignant au moment des devoirs, le conflit poindra son nez dans l’heure qui suivra. L’enfant, pour éviter le conflit, peut aussi accepter une méthode contraire au sens de l’apprentissage et rapporter, en classe, un travail non conforme aux attentes. Nombre d’enfants se sentent perdus entre la méthode de l’enseignant et celle du parent. Qui croire ?
Montrer de l’intérêt pour le travail de l’enfant et le rendre autonome ne consistent, en aucun cas, à se transformer en un pédagogue que l’on n’est pas. Souvenez-vous du nécessaire partenariat avec l’enseignant, et écoutez votre fatigue. Vérifiez que le travail est effectué, mais le contenu appartient au propriétaire, votre enfant !
Là est sa prise de risques pour conquérir son autonomie, assumer les éventuelles erreurs pour comprendre. Pour construire son autonomie, il existe bien d’autres occasions de la vie familiale: organiser un goûter d’anniversaire, participer à la remise à neuf de sa chambre, choisir ses lectures, les émissions de télévision à regarder en famille, une destination de vacances, à quelles fins utiliser internet, toute occasion qui lui donne à réfléchir sur ses propres choix raisonnés au sein d’un groupe.
La conscience des valeurs que l’on cherche à encourager
Parler de solidarité, c’est bien ! Encore faudrait-il mettre en place des situations dans lesquelles l’élève pourra en comprendre la dimension. Accorder ses actes aux valeurs que l’on défend est l’enjeu d’une société cohérente.
C’est aussi donner un cadre rassurant aux enfants : que peuvent-ils penser d’un adulte qui prône la solidarité, mais qui favorise les plus débrouillards et qui encourage ceux qui sont prêts à «écraser» leur voisin pour se faire valoir ?
Devenir autonome suppose la pleine conscience des conséquences de nos actes qu’ils soient scolaires ou sociaux. Combien de parents produisent un mot d’excuse pour un travail non fait alors qu’ils défendent l’honnêteté à la table familiale ? Si l’enfant a conscience de sa défaillance, il vous demandera de l’aide la prochaine fois afin de mieux s’organiser. En revanche, s’il est systématiquement excusé, voire couvert par un parent, il échappera au privilège de devenir responsable de ses actes.
Nombre d’élèves donnent l’illusion de travailler tant qu’un des parents compense le travail non effectué, mais le jour où un travail du même type est demandé en autonomie, sans parents, l’illusion tombe. L’enfant aura appris qu’il doit construire lui-même ses apprentissages. Le parent, quant à lui, découvrira avec stupéfaction que son enfant n’est pas capable de réaliser seul un exercice qu’ils ont pourtant effectué de nombreuses fois ensemble ! Qu’en déduire ? Qui réfléchissait et comprenait ? On ne peut donc pas développer l’autonomie de l’enfant en travaillant à sa place, ou en l’excusant systématiquement, c’est contradictoire.
L’école et vous, parents, défendez un certain nombre de valeurs dont vous êtes les garants. L’autonomie citoyenne concourt également à l’autonomie individuelle.
En demandant à un enfant ou un élève d’entrer dans une action autonome, demandez-vous quelle valeur cette action pourrait bien servir, s’il dispose des moyens pour résoudre la difficulté et si cela relève de votre rôle.
C’est aussi cela devenir grand !
Valérie THEVENIAUT